Regards

Aller au contenu Aller au menu Aller à la recherche

Bolivie : La Loi de la Terre Mère

Publié le vendredi 10 juin 2011 (par Dominique)

Un article de plus sur l'Amérique du Sud…

Oui, et il y en aura certainement d'autres de par mon attirance très particulière pour ce continent, mais surtout pour les humains que j'y ai rencontrés.

J'utilise volontairement le terme d'“HUMAINS” car je considère l'appellation courante pour désigner la race humaine : “les hommes”, totalement inappropriée. Elle ne fait référence qu'aux mâles de cette race. Et, pour moi, les mâles humains ne sont pas représentatifs de la totalité de la race humaine, de certains aspects seulement, et pas vraiment les plus reluisants, malheureusement.

J'ai parcouru plusieurs pays d'Amérique centrale et d'Amérique du sud.
J'ai eu la chance de nouer de nombreux contacts, inscrits dans la durée, qui m'ont permis de mieux pénétrer et mieux comprendre ces pays aux ethnies très variées.

Tous les peuples indigènes d'Amérique centrale et du sud sont très attachés à la Terre-Mère, la Pachamama.
Ils la respectent vraiment, sont très vigilants à tout ce qui se passe dans ce domaine, et leurs nouveaux dirigeants modifient même les lois et les constitutions pour y intégrer ce respect ancestral et cette connaissance pertinente de notre Terre d'accueil.

Comme leurs frères amérindiens d'Amérique du Nord,
ils ont pleinement conscience d'être dépositaires,
et non propriétaires
d'un trésor inestimable,
mais très fragile,
ayant pour pire prédateur :
l'HUMAIN.


Evo Lorales
Evo Moralès Ayma, Président de l’État Plurinational de la Bolivie (photo du web)

Le 20 janvier 2010 à Copenhague, Evo Morales avait parlé de la mise en place d'une consultation auprès des peuples du monde afin d’obtenir un accord qui puisse sauver la Terre-Mère des abus du Capitalisme.

En avril 2010, Evo Morales et le gouvernement bolivien conviaient à une Conférence Mondiale des Peuples sur le Changement Climatique et les Droits de la Terre-Mère à Cochabamba. Quelques mois après les résultats affligeants du sommet de Copenhague, 35 000 personnes venues de plus de 140 pays de la planète ont contribué à la rédaction d’un “accord des peuples” préconisant de véritables solutions alternatives face aux défis climatiques et environnementaux.

Evo Morales Ayma, Président de l’État Plurinational de la Bolivie s’exprimait alors ainsi :
“Vu que nous avons de profondes divergences entre présidents, consultons le peuple et faisons ce qu’il nous dit.
“ (…) En quoi consiste le fait que les peuples du monde décident du futur de l’humanité ? Il consiste en un référendum mondial sur le changement climatique. Que les peuples du monde décident par leur vote conscient du destin de l’Humanité. (…)”

La Bolivie, dans cette dynamique lançait une pétition, accessible sur la toile, pour un référendum mondial, où étaient posées cinq questions :
  • Êtes-vous d’accord pour rétablir l’harmonie avec la nature en reconnaissant les droits de la Terre-Mère ?
  • Êtes-vous d’accord pour changer ce modèle de surconsommation et de gaspillage qui découle du Capitalisme ?
  • Êtes-vous d’accord sur le fait que les pays développés doivent réduire et réabsorber leurs émissions de gaz à effet de serre chez eux pour que la température ne monte pas de plus de 1 degré ?
  • Êtes-vous d’accord pour transférer l’argent dépensé dans les guerres vers un budget destiné au changement climatique et qui serait supérieur à celui de la défense ?
  • Êtes-vous d’accord pour la création d’un Tribunal International Pour la Défense du Climat au sein des Nations Unies afin de juger ceux qui ne respectent pas la Terre-Mère ?

La suite de son intervention de Copenhague :
Compagnon Chávez, le document vient d’être approuvé dans ce sommet sur le Changement climatique. De nouveau je salue l’effort et la mobilisation des mouvements sociaux. Nous sommes des présidents alliés des mouvements sociaux. Je veux continuer à apprendre de vous. Je suis élève des mouvements sociaux de Bolivie et du monde”.

“Je veux vous dire que je ne me sens plus seul. Ne vous sentez pas seuls dans cette lutte pour la vie, pour l’humanité, pour la défense de la Terre Mère. Que nous accompagnent les mouvements sociaux, nous présidents, qui essayons d’exprimer la pensée de nos peuples, c'est indispensable”.

“Seuls, Evo ou Hugo nous ne pouvons avancer, mais si les peuples nous accompagnent, nous sommes ici pour changer les politiques capitalistes qui font tant de mal à l’humanité”.

“Patrie ou Mort ! Nous vaincrons”.
“Planète ou mort ! Quand, quand, carajo !”

Bien sûr, inutile de chercher, plus rien de tout cela n'est plus accessible aujourd'hui sur la toile. (Referendum).

Le 7 décembre 2010, était déposée, sous l’impulsion des communautés locales andines et du président Evo Morales, à l'Assemblée Législative Bolivienne la Loi de la Terre Mère, (Ley de Derechos de la Madre Tierra).
En Avril-Mai 2011 (je n'ai jusqu'ici pas trouvé la date exacte) cette loi vient d'être adoptée.

Une bouffée d'espoir alors que tant d'humains détruisent actuellement sans aucune conscience, par bêtise et cupidité aveugles, la Terre qui nous nourrit.

Cette loi instaure les droits de la Terre Mère :
  • Droit à la vie
  • Droit de perpétuer les processus naturels indépendamment de toute intervention humaine
  • Droit à l’eau et à l’air pur
  • Droit à être exempt de pollution
  • Droit à la diversité et à la non modification cellulaire ou génétique
  • Droit de la nature à ne pas être affectée par des projets d’infrastructure ou de développement qui pourraient perturber l’équilibre des écosystèmes ou des populations en place

Cette nouvelle Loi introduit par la même occasion un certain nombre d’obligations légales au niveau institutionnel et inscrit le développement durable dans la vie politique locale et nationale.

C'est une première qui mérite d'être largement signalée.

Pour les internautes intéressés par le texte de cette loi, il est téléchargeable ici, en espagnol.
Dès que possible je proposerai une traduction en français.

Serment Exceptionnel de Juan Manuel Santos, le 7 août 2010

Publié le vendredi 10 juin 2011 (par Dominique)

L'investiture récente d'un Inca à la tête du Pérou en la personne d'Ollanta Humala m'a remémoré l'attitude particulière et le discours exceptionnel prononcé à Bogota le 7 août 2010 par Juan Manuel Santos, lors de sa prise de pouvoir, après avoir remporté l'élection présidentielle colombienne du 20 juin 2010 avec 68,9% des voix.

Avant la cérémonie officielle, M. Santos avec sa femme et ses enfants, s’était rendu dans les montagnes sacrées auprès des chefs spirituels des nations indigènes de la Colombie, les Frères aînés, pour recevoir leur bénédiction et renforcer son lien avec la Loi Naturelle dans le cadre d’une cérémonie d’investiture spirituelle, un rite de passage du bâton.

Juan Manuel Santos
Juan Manuel Santos, le 7 août 2010, Bogota

Plus tard dans la journée, il a commencé son discours d'investiture par cette déclaration :

Notre pays est un mélange merveilleux de cultures,
de races, de talents, de ressources naturelles
qui nous rend uniques dans le monde.

En reconnaissance de cette diversité ethnique et culturelle,
ce matin je suis allé avec ma famille au grand temple cérémonial
de Seiyu dans la Sierra Nevada de Santa Marta.



Cérémonie avec les Mamams dans la Sierra Nevada de Santa Marta

Nous y avons rencontré les chefs et les représentants des peuples
Kogi, Arhuaco, Wiwa et Kankuamo,
héritiers de l’ancienne culture Tayrona.

Ils nous ont précédé dans la possession de ces terres,
et veillent encore depuis leurs réserves
sur l’équilibre qui doit gouverner
notre nation et notre relation avec l’univers.

Dans un acte symbolique aux significations transcendantales profondes,
les Mamas m’ont confié un bâton et un collier avec quatre pierres.

L’une d’entre elles représente la Terre
dont nous devons prendre soin.

Une autre représente l’Eau
qui est la source de la vie.

Une autre représente la Nature
avec laquelle nous devons être en harmonie.

La quatrième représente le Gouvernement,
qui doit s’aligner avec l’ordre de la nature
et la volonté du créateur.

La terre, l’eau, la nature et le bon gouvernement,
ces précieux symboles seront partie intégrante du gouvernement
que nous inaugurons aujourd’hui.

Le message de nos Frères aînés,
les gardiens de l’équilibre universel,
je le transmets aujourd’hui, rempli d’émotion,
à plus de 45 millions de compatriotes venant
de l’héritage indigène,
de l’héritage espagnol,
de la riche contribution africaine,
et de tant d’autres régions
qui ont fait ce que nous sommes.

C’est le message de la vie,
de l’harmonie et de l’unité dans la diversité.

C’est le message de la Colombie sage et pacifique
que nous voulons laisser à nos enfants.

Fidèle à ce message,
je réitère solennellement aujourd’hui,
sur cette place historique de Bolivar,
que je présiderai un gouvernement d’unité nationale
qui recherchera la prospérité sociale pour tous.


Les aspirations d’un leader, quelle que soit leur profondeur et quel que soit le degré de conscience et de volonté que celui-ci mettra à leur mise en œuvre, se confronteront toujours à la volonté et à la conscience collective d'une nation et du monde dans lequel elles s'inscrivent.

Les évènements actuels en Colombie montrent combien il doit être difficile de maintenir ce cap.
Souhaitons que ce président colombien trouve la force et les moyens de gouverner à la hauteur de son engagement pris auprès des Frères aînés de son pays.

Puissent les nouveaux dirigeants des pays d'Amérique latine, gouverner avec sagesse, dans le respect de la Terre et de la Vie transmis par les gardiens des savoirs ancestraux, et ouvrir ainsi la voie à une société construite sur des valeurs plus nobles et plus profondes.

Ces pays nous offrent l'espoir que l'humain se réveille et retrouve sont lien profond à la Terre Mère qui le nourrit et au sens sacré de toute VIE.